Cinq ordonnances concernant le Code du travail sont parues au Journal Officiel du 23 septembre 2017 et une ordonnance concernant le Code du travail est parue au Journal Officiel du 21 décembre 2017. Elles ont été habilitées par la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (JO 16 septembre 2017) et ratifiées par la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social (JO 31 mars 2018). Plusieurs points principaux de ces ordonnances sont présentés ici, et les liens vers les ordonnances et les rapports au Président (qui présentent les ordonnances sous leur meilleur jour au Président afin qu’il les promulgue) sont donnés plus bas.

Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective

L’ordonnance

Pour comprendre cette ordonnance, il peut être utile de comprendre ce qu’on entend par « hiérarchie des normes », « principe de faveur », et « principe de proximité » : la « hiérarchie des normes » (dans ce contexte) c’est le fait que si une entreprise fait partie d’une branche, alors si un accord de cette branche est en contradiction avec un accord de cette entreprise, c’est l’accord de branche qui doit être suivi ; le principe de proximité stipule au contraire que c’est l’accord d’entreprise qui doit être suivi ; enfin le principe de faveur stipule que c’est l’accord le plus favorable aux salariés qui doit être suivi (par exemple si l’accord de branche (respectivement d’entreprise) stipule que les heures supplémentaires doivent être payées plus cher que ce qui est prévu par l’accord d’entreprise (respectivement de branche), alors c’est l’accord de branche (respectivement d’entreprise) qui est suivi). Dans la pratique, appliquer le principe de faveur revenait souvent à appliquer la hiérarchie des normes (car les entreprises ont rarement intérêt à faire un accord d’entreprise plus favorable aux salariés que l’accord de branche, pour des raisons de compétitivité, donc si une entreprise ne peut pas faire d’accord d’entreprise moins favorable que l’accord de branche, elle va pour une grande partie être régie par les accords de branche). Les lois (et ordonnances) dites d’ « inversion de la hiérarchie des normes » dans les débats sont en fait surtout des lois qui permettent aux entreprises de faire des accords d’entreprise moins favorables aux salariés que les accords de branche et qui s’appliquent à la place des accords de branche : c’est le « principe de proximité ». Aucune des lois d’« inversion de la hiérarchie des normes » précédentes n’avait complètement instauré le principe de proximité (et donc aucune n’avait complètement supprimé le principe de faveur, ou complètement « inversé la hiérarchie des normes ») : ces lois (Fillon (2004), Bertrand (2008), El Khomri (2016)) avaient instauré le principe de proximité dans des domaines précis (comme le temps de travail).

Cette ordonnance donne deux listes : une liste de matières pour lesquelles la convention de branche prévaut sur les accords d’entreprise qui ne sont pas plus favorables (principe de faveur) et une liste de matières pour lesquelles la convention de branche peut choisir d’appliquer le principe de faveur pour les accords d’entreprise conclus postérieurement (c’est-à-dire que le principe de proximité s’applique lorsque l’accord d’entreprise a été conclu avant l’accord de branche, et sinon c’est le principe de faveur qui s’applique). Dans toutes les matières non énumérées dans ces deux listes, c’est le principe de proximité qui s’applique. Cette manière de séparer ce qui relève du principe de faveur et ce qui relève du principe de proximité est inversée par rapport à ce qui était fait avant : avant cette ordonnance, par défaut le principe de faveur s’appliquait, et il fallait être dans une liste donnée par une des lois citées plus haut pour que ce soit le principe de proximité qui s’applique ; désormais, c’est le principe de proximité qui s’applique par défaut, et il faut être dans une des deux listes mentionnées plus haut pour que le principe de faveur puisse s’appliquer (avec la contrainte de temps supplémentaire dans la deuxième liste (l’accord de branche doit dater d’avant l’accord d’entreprise)). Les deux listes complètes sont données dans l’ordonnance (dans le premier article, au 4°), en voici quelques éléments : dans la première liste il y a par exemple les salaires minima hiérarchiques, les classifications, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et dans la deuxième liste il y a par exemple l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical.

Le rapport au Président de la République

Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

L’ordonnance

Cette ordonnance fusionne les trois instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)) en une seule instance : le comité social et économique (CSE).

Le rapport au Président de la République

Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

L’ordonnance

Dans le cas d’un licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire d’un licenciement qui a été jugé par le Conseil des prud’hommes comme ne respectant pas les règles du licenciement (ce que l’on appelle couramment un licenciement abusif), il y a désormais une indemnité plancher et une indemnité plafond, qui dépendent de l’ancienneté de l’employé et de la taille de l’entreprise : si ça fait moins d’un an que l’employé travaille pour l’entreprise qui l’a licencié, il n’y a pas de plancher et le plafond est d’un mois de salaire brut, quelle que soit la taille de l’entreprise ; si l’employé a dix ans d’ancienneté dans l’entreprise et que celle-ci a au moins onze salariés, le plancher est de 3 mois de salaire brut et le plafond est de 10 mois de salaire brut, alors que si elle a au plus dix salariés, le plancher est de 2,5 mois de salaire brut et le plafond est de 10 mois de salaire brut ; si l’employé a au moins trente ans d’ancienneté, le plancher est de 3 mois de salaire brut et le plafond est de 20 mois de salaire brut, quelle que soit la taille de l’entreprise. Exceptions : les licenciements liés à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à de la discrimination, consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, en cas de dénonciation de crimes et délits, en cas de congé pour maternité, accident du travail, maladie professionnelle… Il y a alors un plancher de 6 mois de salaire brut et pas de plafond.

En ce qui concerne les licenciements pour motif économique (c’est-à-dire les licenciements qui sont dus à des difficultés économiques des employeurs et non à des fautes des employés), les difficultés économiques seront désormais appréciées au niveau national et non au niveau mondial : avant cette ordonnance, si une entreprise faisait partie d’un groupe, on étudiait le chiffre d’affaires etc de toutes les entreprises du même secteur d’activité et du même groupe pour déterminer si les employeurs avaient bien des difficultés économiques et étaient donc en droit de faire des licenciements pour motif économique ; désormais on étudiera seulement le chiffre d’affaires etc des entreprises implantées en France qui sont du même secteur d’activité et du même groupe.

Les CDI de chantier ou d’opération seront désormais possibles dans tous les secteurs d’activité, et pas seulement dans les secteurs du BTP (bâtiment et travaux publics) et de la construction navale, à condition qu’il y ait un accord de branche qui en fixe les modalités. La différence majeure entre un CDI de chantier ou d’opération et un CDI est que dans le premier cas la fin du chantier ou de l’opération constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; la différence majeure avec un CDD est que l’on ne sait pas quelle sera la durée du chantier ou de l’opération, donc de l’emploi.

Le rapport au Président de la République

Ordonnance n° 2017-1388 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective

L’ordonnance

Cette ordonnance étend les possibilités d’élargissement par le/la ministre du travail d’une convention ou d’un accord conclu à partir du 1er janvier 2018.

Le rapport au Président de la République

Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

L’ordonnance

Cette ordonnance modifie le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) qui devient le compte professionnel de prévention (C2P) ainsi que le dispositif de départ en retraite anticipée pour pénibilité. Pour comprendre ces modifications, il faut tout d’abord savoir qu’il y a dix facteurs de risques professionnels qui constituent ce qu’on appelle la pénibilité : manutentions manuelles de charges, postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux (y compris sous forme de poussières et de fumées), milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif caractérisé par la répétition de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte. Le C3P permettait aux personnes soumises à ces risques d’avoir des compensations et le dispositif de départ en retraite anticipée pour pénibilité permettait aux personnes qui étaient en incapacité permanente de continuer à travailler d’avoir une retraite anticipée avec une rente d’incapacité permanente, si elles avaient été exposées pendant au moins 17 ans aux facteurs de risques. Le C2P ne prend désormais en compte que 6 des 10 risques précédents : milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif. Les 4 autres risques, à savoir manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, ne sont plus pris en compte par la prévention et les employeurs n’ont plus l’obligation de les déclarer, ce qui « simplifie [leurs] démarches » (cf. rapport au Président de la République). En revanche, l’obligation d’avoir été exposé pendant au moins 17 ans aux facteurs de risques pour bénéficier de la retraite anticipée avec une rente d’incapacité permanente est levée pour ces quatre risques lorsque le taux d’incapacité permanente est compris entre 10% et 19% (à partir de 10% plus le pourcentage est grand, plus la rente d’incapacité permanente est grande (et le pourcentage peut aller jusqu’à bien au-dessus de 19%, mais dans ce cas il faudra avoir les 17 ans d’exposition aux risques)). Le financement du C2P sera pris en charge par la section accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale (le C3P était financé par un fonds spécial lui-même financé par des cotisations des employeurs, avec des cotisations additionnelles des employeurs qui soumettent leurs employés aux risques).

Le rapport au Président de la République

Ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

L’ordonnance.

Le rapport au Président de la République.

Il y a aussi eu des ajouts dans la loi de ratification.

Modifications du 05/09/2019 : Modifications du premier paragraphe. Ajout du paragraphe sur l’ordonnance du 20 décembre 2017 et du lien vers la loi de ratification.